Spectroscopie des nouveaux états quantiques – Matière topologique


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Equipe

  • Membres permanents : Christophe Brun, Tristan Cren, Marie d’Angelo, Pascal David, François Debontridder, Marie Hervé
  • Doctorants : Mathis Cameau

Depuis la découverte des isolants topologiques en 2007 et l’émergence de la topologie dans le champ de la matière condensée, de nouveaux phénomènes quantiques ont été découverts dans des systèmes dont on pensait tout connaître. A l’instar des isolants, qui possèdent des phases topologiques caractérisées par des états de bords de Dirac, les supraconducteurs montrent des phases topologiques avec des états de bords dits de Majorana. L’un des projets phares de l’équipe consiste à explorer différents moyens de générer de cette supraconductivité topologique. Pour cela nous étudions des systèmes supraconducteurs présentant un très fort couplage spin-orbite qui doit donner lieu à la formation de composantes de symétrie triplet de spin du paramètre d’ordre supraconducteur.

Nous portons également une attention particulière aux semi-métaux topologiques qui sont des métaux/semimétaux électroniques à fort spin-orbite.  Leurs surfaces de Fermi montrent des croisements entre les bandes de conduction et de valence, produites par une topologie non triviale et qui sont protégées par symétrie, ce qui les rend robustes contre les perturbations extérieures. Ces phénomènes topologiques dans les propriétés électroniques de la matière suscitent un grand intérêt du fait de potentielles applications dans le domaine de l’information quantique.

 

Supraconductivité topologique

L’équipe a mis en évidence l’existence de nouveaux états quantiques « topologiques », des états de Majorana dispersifs et des paires d’états de Majorana à zéro énergie, dans un système combinant un supraconducteur bidimensionnel et des nano-structures magnétiques. De nombreux travaux théoriques prédisaient l’existence de ces nouveaux états quantiques qui pourraient être utiles pour réaliser des calculateurs quantiques.

Autrefois limitée au domaine des mathématiques fondamentales, la topologie a fait une arrivée triomphante dans le monde de la physique lors de la découverte des isolants topologiques en 2007. C’est en examinant les propriétés des isolants avec un regard neuf qu’il est apparu que l’on pouvait séparer les matériaux en différentes catégories suivant leur topologie : les isolants dit « triviaux » comme le silicium et les isolants dits « topologiques » comme Bi2Se3. Les isolants topologique présentent la propriété remarquable d’avoir un état métallique à leur surface tandis qu’en volume ils sont isolants. La structure électronique des états de surface d’isolants topologique est similaire à celle du graphène (mono-plan de graphite) à cela près que les électrons sont entièrement polarisés en spin (la boussole associée à chaque électron), les électrons se propageant dans une direction ont un spin opposé à ceux se propageant en sens contraire. A l’instar des isolants, les  supraconducteurs, ces matériaux qui conduisent infiniment bien l’électricité, sont aussi supposés présenter des propriétés topologiques. En effet pour pouvoir définir des propriétés triviales ou topologiques il suffit juste que les propriétés physiques soient décrites par des bandes d’énergies séparées par une bande d’énergie interdite, le gap. Les supraconducteurs présentant une structure électronique particulière avec un gap, il est donc possible d’obtenir des supraconducteurs « triviaux » et « topologiques » les seconds devant présenter des états de bords très particuliers : des états de Majorana. Dans les systèmes unidimensionnels comme des fils supraconducteurs topologiques on s’attend à observer deux états liés de Majorana dans le gap, exactement à énergie nulle, localisés au bout des fils. Dans les systèmes 2D et 3D, les états de Majorana peuvent se propager le long des bords 1D ou 2D, de ce fait au lieu d’avoir des états liés comme à 1D on s’attend à obtenir des états de Majorana dispersifs avec une structure en énergie similaire à celle observées dans les isolants topologique.

Axe transverse Magnétisme et physique du spin

 

Dispersions de Majorana en 2D

La supraconductivité topologique émerge de l’alliance de plusieurs ingrédients: la supraconductivité conventionnelle combinée au magnétisme et à l’interaction spin-orbite. Cette combinaison peut être réalisée à l’aide de monocouches de plomb déposée sur du silicium et couplées à des nanoaimants. La monocouche de Pb apporte à la fois la supraconductivité et une forte interaction spin-orbite, dite Rashba. La composante magnétique nécessaire à l’apparition de particules de Majorana provient quant à elle de nano clusters de Co-Si formés par auto-organisation et se trouvant sous la couche de Pb. En utilisant cette délicate combinaison de matériaux l’équipe a pu pour la première fois mesurer des états de bord de supraconducteurs topologique en 2D [1].

En observant à 300 mK les échantillons ainsi préparés par microscopie à effet tunnel les structures topologiques apparaissent sous la forme de fins anneaux signant la limite entre deux structures de topologie différente (Figure 1). Ces deux topologies sont causées par le champ magnétique du cobalt : la couche de Pb supraconductrice est normalement triviale, mais quand elle est en contact avec un nano-aimant de Co-Si est devient topologique. Les calculs théoriques menés en parallèle ont permis de reproduire la dispersion complète de ces états de bord et de mettre en lumière le lien avec les états de Majorana ouvrant la porte à leur éventuelle utilisation et manipulation dans un système de calcul quantique.

Dispersions de Majorana en 2D

Figure 1 : (a) Structure des échantillons étudiés. (b) Spectroscopie à énergie nulle révélant les états de bord causés par un champ magnétique local dû aux atomes de Co enfouis sous le supraconducteur.

 

 

Axe transverse Magnétisme et physique du spin

 

Paires d’états liés de Majorana dans un système 2D

Comme expliqué plus haut, un fil supraconducteur topologique doit il présenter deux états de Majorana à zéro énergie à chacune de ses extrémités. Si au lieu d’un fil on considère un domaine supraconducteur topologique en deux dimensions, comme un disque, il est possible d’y générer une paire d’états de Majorana grâce à des défauts « topologiques » comme des vortex ou des skyrmions. Si un seul état de Majorana est présent au centre du domaine topologique, un partenaire doit apparaitre tout autour du domaine. C’est cette manifestation prédite théoriquement que nous avons observée en imageant directement des paires d’états de Majorana ainsi que leur signature spectroscopique à énergie nulle [2] dans le système décrit précédemment d’un monocouche de Pb couplée à des nano-aimants de Co-Si (Figure 2). De par la nature même de la technique utilisée, nous avons pu visualiser le comportement spatial des paires de Majorana et leur résistance au désordre. Nous avons  montré que l’un des états de Majorana était fortement localisé au centre d’un îlot magnétique tandis que son partenaire était délocalisé tout autour de l’îlot, conformément aux prédictions théoriques.

L’origine topologique des excitations de Majorana leur confère une protection, dite topologique, aux interactions parasites de faible amplitude. L’utilisation de ces propriétés topologiques dans le cadre de l’information quantique constituerait un outil extrêmement puissant pour lutter contre les phénomènes de décohérence qui sont actuellement un des plus grands challenges posés au développement d’un ordinateur quantique.

Figure 2 : En (a) le système étudié est constitué d’un plan atomique de Pb (en gris clair) et du substrat de silicium (en bleu). Par endroit des îlots magnétiques de Co-Si (en rouge) situés sous la couche de Pb induisent localement une supraconductivité topologique. En (b) les états topologiques apparaissent dans la cartographie de conductance mesurée par microscopie/spectroscopie tunnel à balayage: un point rouge au centre du domaine topologique est entouré d’une couronne en bleu clair à l’extérieur du domaine. Une coupe de la densité d’état mesurée à travers le domaine est montrée en (c). On voit que des états apparaissent à zéro énergie au milieu du gap supraconducteur, ce sont les états de Majorana. Le grand pic rouge correspond à l’état de Majorana au centre du domaine, le très léger pic en bleu à zéro énergie correspond à son partenaire localisé tout autour du domaine comme prédit théoriquement.   

 

Publications

  1. G. C. Ménard, S. Guissart, C. Brun, R. T. Leriche, M. Trif, F. Debontridder, D. Demaille, D. Roditchev, P. Simon, T. Cren.Two-dimensional topological superconductivity in Pb/Co/Si (111). Nature Communications 8, 2040 (2017) https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01663084
  2. C. Ménard, A. Mesaros, C. Brun, F. Debontridder, D. Roditchev, P. Simon & T. Cren. Isolated pairs of Majorana zero modes in a disordered superconducting lead monolayer. Nature Communications 10, 2587 (2019) https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03060026

 

Principales collaborations

  • Equipe de Pascal Simon (Université Paris Saclay) pour la théorie. Nous explorons de nouvelles phases topologiques dans des dichalcognéures avec l’aide de l’équipe de Laurent Cario à l’IMN et de Peter Samuely (Slovak Academy of Science, Kosice).

Projets financés

Axe transverse Magnétisme et physique du spin

 

Semi-métallicité topologique

Récemment, l’équipe du Prof. Matsuda, un de nos proches collaborateurs à l’université de Tokyo, a mis en évidence par photoémission résolue en angle l’existence de lignes nodales dans Cu2Si, un semimétal topologique bi-dimensionnel. Cette structure électronique particulière est robuste envers toute perturbation qui préserve la symétrie miroir du système en l’absence de couplage spin-orbite conséquent. Cela pourrait mener à l’élaboration de composants avec des propriétés exotiques inédites. Cependant ce système élaboré par dépôt de silicium sur un cristal de cuivre présente deux sérieux désavantages pour des applications en électronique : le substrat métallique et l’absence de gap dans la structure électronique.

Dans un premier temps, nous avons synthétisé la couche de Cu2Si sur un substrat semiconducteur en déposant du cuivre sur Si(111). Des études précédentes ont montré que la structure atomique de la couche est identique à celle d’une couche de Cu2Si sur Cu(111). Nos résultats de photoémission résolue en angle (ARPES) montrent cependant que les propriétés électroniques sont fortement perturbées avec notamment la disparition des lignes nodales initialement présentes autour du centre de zone. Des calculs DFT effectués par des collaborateurs taïwanais de la National Tsing-Hua university montrent que dans le cas d’un substrat de silicium, les interactions couche 2D/substrats via des orbitales de type pz perpendiculaires à la surface, sont trop importantes et mènent notamment à la disparition de l’un des cônes à l’origine des lignes nodales.

Figure 3 : Dédoublement des bandes électroniques dans Cu2Si, induit par dépôt de plomb à 30eV par ARPES.

 

 

 

 

Dans un deuxième temps, nous sommes revenus à l’étude de Cu2Si sur un substrat de cuivre (système présentant donc deux lignes nodales dans sa structure électronique) et nous nous sommes intéressés à l’effet d’un dépôt de plomb sur les propriétés électroniques de la couche 2D.  En effet, le plomb, élément lourd, est souvent utilisé pour induire un effet de couplage spin-orbite dans les surfaces sur lesquelles il est déposé. Dans le cas de Cu2Si, nous avons ainsi pu mettre en évidence par XPS et ARPES que les atomes de plomb se déposent sur les atomes de Si en surface et induisent un dédoublement des bandes à l’origine des lignes nodales. Des résultats plus récents sont encore en cours d’analyse mais ils semblent de plus montrer une ouverture de gap dans la structure électronique due au couplage spin-orbite.

Nous envisageons maintenant dans une prochaine étape de nous intéresser à la texture en spin des bandes mises en évidence après dépôt de Pb.

 

Principale collaboration

  • Equipe de Yukio Tanaka (Nagoya University)