Les nanoparticules colloïdales semi-conductrices ont été étudiées depuis les années 1980 et 1990, en commençant par les nanocristaux sphériques et en s’étendant dans les années 2000 aux nanobâtonnets allongés et aux tétrapodes et dans les années 2010 aux nanoplaquettes planes. Une compréhension approfondie de cette classe d’émetteurs est maintenant disponible et a conduit à divers développements en optoélectronique, tels que les écrans de télévision QD-LED disponibles dans le commerce, ainsi que dans d’autres domaines comme la bio-imagerie, la nano-médecine et l’optique quantique. Ces études ont été le plus souvent réalisées sur des émetteurs isolés : soit sur des ensembles d’émetteurs en solution, soit sur des émetteurs uniques par microscopie à fluorescence. Il existe maintenant un intérêt croissant des communautés de la physique des solides et de la nano-optique pour le comportement collectif d’un grand nombre de nano-émetteurs couplés. Lorsqu’un dépôt dense d’émetteurs est considéré, des interactions entre eux sont attendues. Cependant, les résultats expérimentaux sont divers et leur interprétation est complexe, notamment parce que le niveau de désordre dans les structures empilées les rend difficiles à modéliser et à reproduire. Une compréhension fondamentale du couplage entre les nanoparticules semi-conductrices est cruciale pour les applications optoélectroniques telles que les LED ou les cellules solaires à base de nanoparticules, car ces applications impliquent des couches denses de particules semi-conductrices.
Les nanoplaquettes de CdSe, également appelées puits quantiques colloïdaux (fig. 1 (a)), sont des émetteurs fluorescents remarquablement brillants et bien contrôlés et constituent un système attractif pour étudier de telles interactions entre nanoparticules. Benjamin Abécassis a développé une expérience inégalée sur l’auto-assemblage de chaînes de centaines de plaquettes (jusqu’à 4 µm de longueur), avec un écart uniforme de 6 nm et un excellent ordre linéaire (fig. 1(b, c)). Dans le cadre d’une collaboration initiée en 2018, Laurent Coolen a imagé la fluorescence de chaînes individuelles et a trouvé une longueur de migration FRET (Förtser resonant energy transfer : interaction dipôle-dipôle non radiative) de 500 nm (environ 90 plaquettes). À partir de là, un modèle d’équation de diffusion nous amène à estimer le temps caractéristique de transfert de FRET entre les plaquettes voisines à 1-2 ps, beaucoup plus court que tous les mécanismes de désexcitation connus dans les nanoparticules semi-conductrices fluorescentes. On peut donc s’attendre à ce que les nanoparticules denses présentent, du fait du FRET, un comportement photophysique totalement nouveau impliquant des dizaines ou des centaines d’émetteurs collectivement au lieu que chaque plaquette émette individuellement.
Figure : (a) Nanoplaquettes typiques de CdS, (b) plaquettes agrégées spontanément, (c) chaînes de longueur µm de plaquettes auto-assemblées préparées à l’ENS de Lyon par B. Abécassis.
Des ensembles d’émetteurs sont également étudiés dans la communauté de la nano-optique avec la perspective d’utiliser des effets optiques collectifs pour améliorer l’émission lumineuse. En particulier, des émetteurs identiques dans un petit volume peuvent atteindre le régime de superradiance, où les interférences constructives conduisent à des améliorations extraordinaires de l’intensité d’émission. Divers systèmes nano-optiques à semi-conducteurs ont récemment démontré une superradiance, mais sa caractérisation peut être ambiguë et la superradiance dans les systèmes à semi-conducteurs n’est toujours pas entièrement comprise.
Nos chaînes de nanoplaquettes auto-assemblées sont une plateforme parfaite pour explorer ces différents effets collectifs. Leur architecture peut être ajustée par des moyens physico-chimiques et l’analyse de fluorescence microscopique des chaînes uniques permet une combinaison d’étude spatialement résolue du transfert d’énergie, de spectroscopie, de mesures résolues en temps, de polarisation et d’analyse du plan de Fourier du dipôle rayonnant dans le plan, etc. L’objectif du projet est d’optimiser les propriétés des assemblages de chaînes de NPL afin d’améliorer les interactions entre les plaquettes et d’analyser la photophysique collective médiée par FRET et optique.