Sorbonne Université – Campus terre et Marie Curie – 4 Place Jussieu – Paris 5 – Amphi Charpak, R-d-C, barre 22-23
Lucille Caussou, doctorante dans l’équipe Nanostructures : élaboration, effets quantiques et magnétisme
Superréseaux de moiré et excitons intercouche dans des hétérobicouches de métaux de transition
Résumé
Cette thèse propose l’étude d’excitons intercouche (IXs) confinés dans un potentiel de moiré dans des hétérobicouches de dichalcogénures de métaux de transition (TMD). Nous fabriquons des hétérostructures de TMDs et les caractérisons par des expériences de micro-photoluminescence (µ-PL) à basse température et de microscopie à force atomique (AFM). Nous montrons la signature optique des IXs dans ces matériaux, qui sont des paires électron-trou fortement liées par interaction coulombienne, dont l’électron et le trou sont localisés dans des monocouches différentes. L’application d’un champ électrique parallèle à leur moment dipolaire induit un effet Stark qui nous permet d’accorder leur énergie sur un intervalle de plus de 20 meV. De plus, le recouvrement des fonctions d’onde de l’électron et du trou est réduit à cause de leur séparation dans l’espace. Cela nous permet de mesurer des temps de vie des IXs supérieurs à 200 ns, soit environ 100 000 fois ceux des excitons intracouche. Ces IXs devraient être fortement influencés par le superréseau de moiré qui émerge dans les bicouches de TMDs à cause de la différence de paramètre de maille et/ou de l’angle entre les orientations cristallographiques des deux monocouches. Le potentiel de moiré sous-jacent peut en théorie confiner les IXs dans des réseaux spatialement périodiques, formant ainsi des systèmes excitoniques de Bose-Hubbard. Cependant, notre recherche met en évidence d’importants défis expérimentaux qui doivent être relevés pour montrer la formation de tels systèmes corrélés dans les matériaux étudiés. Nous pointons la nécessité de réaliser des hétérostructures de Van de Waals propres en raison de la sensibilité particulière des IXs aux défauts à l’interface entre les monocouches. La technique AFM dite de «repassage» est décrite et nous montrons qu’elle élimine efficacement les impuretés d’interface, permettant d’augmenter l’intensité de la PL des IXs. Nous exploitons également les forces latérales subies par la pointe AFM afin d’imager les superréseaux de moiré dans l’espace réel. Nous étudions ensuite deux types d’hétérobicouches: MoSe2/WSe2 et WS2/WSe2. Dans les premières, nos résultats révèlent des variations notables dans les spectres de PL qui sont principalement induites par la différence d’angle relatif entre les monocouches. Lorsque celles-ci sont presque alignées, nous suspectons l’existence de reconstruction atomique, empêchant la formation du potentiel de moiré et donc la localisation des IXs dans ce dernier. En revanche, pour un angle relatif entre 2 et 5° environ, nous observons principalement la signature optique d’excitons piégés, que nous corrélons avec la présence d’un superréseau de moiré visible sur nos images AFM. Cependant, des distorsions spatiales de ce superréseau compliquent l’interprétation des spectres de PL, empêchant une claire observation d’états excitoniques corrélés. Nous étudions ensuite des hétérobicouches de WS2/WSe2, dans lesquelles la différence conséquente de paramètre de maille empêche les phénomènes de reconstruction atomique, permettant l’observation de supérréseaux de moiré robustes. L’une de nos hétérostructures permet de contrôler le niveau de dopage dans l’hétérobicouche. Grâce à l’interaction entre les électrons injectés électriquement et les IXs, nous montrons la formation d’un état de Mott électronique dans lequel un électron est confiné dans chacun des sites du moiré. Nos résultats soulignent cependant la nécessité d’améliorer nos techniques de fabrication afin d’accéder à la large gamme d’états excitoniques corrélés également prédits dans ces matériaux.
Moiré superlattices and interlayer excitons in transition metal dichalcogenide heterobilayers
Abstract
TMD heterobilayers provide a great solid state platform to study excitonic or electronic correlated phases described by the Hubbard model. Indeed, they host strongly bound interlayer excitons (IXs) whose electron and hole are confined in distinct monolayers. The spatial separation between the charge carriers reduces the overlap between their wavefunctions, confering the IXs radiative lifetimes longer than 100ns. Moreover, a moiré superlattice emerges in these structures due to the lattice mismatch and/or twist angle between the crystallographic orientations of the two monolayers. The periodic potentialarising from this is predicted to trap the excitons, thus forming an array of correlated IXs.
In this thesis, we fabricate and study such heterobilayers through low temperature microphotoluminescence experiments and atomic force microscopy. We first investigate MoSe2/WSe2 heterostructures. Our findings reveal IX spectral variations predominantly driven by the relative twist angle between the monolayers. In nearly-aligned samples, we suspect atomic reconstruction to take place, precluding IX confinement in the moiré superlattice. Conversely, at finite relative twist angles between 2 and 5°, we mainly observe optical signatures of IX trapping, which we correlate with the presence of a moiré superlattice observed in AFM images. However, spatial distortion of this superlattice complicates the interpretation of IX PL spectra, hindering the clear observation of correlated excitonic phases.
We then examine WS2/WSe2 heterobilayers, which experience less atomic reconstruction due to a larger lattice mismatch, allowing for the observation of robust moiré patterns. An electrically gated structure enables to tune the charge doping in the heterobilayer. Through the interactions between IXs and electrically injected electrons, we probe an electronic Mott state in which one electron is confined in each moiré site. Our results however underscore the necessity for improved fabrication techniques in order to access the broad range of excitonic correlated states predicted as well in these materials.
Jury
- Brian Gerardot (rapporteur) – Professeur (IPQS, Edinburgh)
- Bernhard Urbaszek (rapporteur) – Professeur (ICMP, Darmstadt)
- Maria Luisa DELLA ROCCA (examinatrice) – Maitre de conférence (MPQ, Paris)
- Maria Vladimirova (examinatrice) – Directrice de recherche (L2C, Montpellier)
- Abhay Shukla (examinateur) – Professeur (IMPMC, Paris)
- Fabian Cadiz (examinateur) – Professeur (LPMC, Palaiseau)
- Valia Voliotis (co-directrice de thèse) – Professeur (INSP)
- François Dubin (co-directeur de thèse) – Directeur de recherche (CRHEA, Valbonne)